Extrait de “Le Souffle du Maître”
“Je rêvais de rencontrer dans un regard la lumière du désert. Pendant des années, cette terre m’avait mise sur la voie de l’essentiel. Désormais, je cherchais un guide.
Ce matin-là, portée par le printemps, lassée de mon coeur errant, j’ai osé appeler Izou, une tante que je n’avais pas vue depuis vingt ans – elle vit à l’écart, retirée du monde.
Je savais seulement qu’elle allait en Inde depuis des années retrouver un Sage. J’espérais donc qu’elle pourrait m’aider à rencontrer un être qui m’éclaire. Je craignais qu’elle rejette mon appel, mais elle a répondu. Et ma vie a basculé.
Izou était le mystère de notre famille. Mariée à Michel, le frère de ma mère, elle évoluait parmi nous comme une fleur sauvage, abreuvée par une autre source que la nôtre. Petite, quand j’allais chez elle retrouver mes deux cousines, je sentais qu’elle menait une vie à part. Une atmosphère de silence, presque de recueillement emplissait leur appartement et me poussait à retenir mes cris d’enfant. Je savais qu’elle passait des heures enfermée dans sa chambre. Quel était le mal qui la clouait au lit ?
Personne ne nous en parlait. Plus tard, elle a résolument pris ses distances avec notre famille. Elle fascinait mon petit frère qui lui vouait une admiration incompréhensible alors qu’il la croisait seulement dans la rue car elle vit tout près de la maison de mes parents. L’âme à vif d’Arthur sentait, savait qu’elle portait une lumière particulière.
Nos parents nous disaient qu’elle allait voir un Sage en Inde. Cette histoire intensifiait le mystère qui l’entourait. Si élégante, si belle, elle passait le plus clair de son temps dans un petit village d’Inde aux pieds d’un gourou ! Élevés dans une famille catholique très pratiquante, nous trouvions cela extraordinaire, voire incompréhensible.
Nous n’avons d’ailleurs jamais cherché à comprendre. Quand je la voyais par hasard, j’étais subjuguée par son regard perçant et lumineux. Elle semblait voir plus loin que nous.
J’arpentais les déserts en quête de sens, de vérité, de beauté, de souffle, de pureté surtout. Tout ce que je cherchais, je le devinais en elle, mais je ne m’approchais pas, respectant sa distance.
Ce matin-là pourtant, je l’ai contactée, sans réfléchir, sans même y avoir pensé la veille.”
Biographie de l’auteur de “Le Souffle du Maître”
Blanche de Richemont est notamment l’auteur d’Éloge du désert et Éloge du désir (Presses de la Renaissance, 2004 et 2007), Pourquoi pas le silence (Robert Laffont, 2008), Harmonie (Plon, 2011) et Le Souffle du Maître (Presses de la Renaissance, 2015).
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